L’Hôtel de Paris et la naissance de Monte-Carlo

© photo courtesy of Monte-Carlo SBM

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ès son inauguration en 1864 par le prince Charles III, le célèbre palace de la Société des bains de mer de Monaco entra dans l’histoire de la Principauté, accueillant sous ses lustres la haute société européenne.

Francis Scott Fitzgerald a un jour qualifié Monte-Carlo de terrain de jeu du monde, mais il avait compris qu’il ne s’agissait pas d’un simple parc d’attractions pour adultes. 

 

Il y avait quelque chose de vraiment magique dans ce lieu, quelque chose de particulier entre la terre et la mer, entre la terre et le ciel. 

 

« Une fois, au milieu des années 20, je roulais au crépuscule sur la route de la Haute Corniche, avec toute la Côte d’Azur scintillant sur la mer en contrebas. Le plus loin que je pouvais voir était Monte-Carlo, quand la vie était littéralement un rêve », notait l’écrivain américain.

hotel de paris© photo courtesy of Monte-Carlo SBM

La stratégie visionnaire de Charles III

Si, en 1191, l’empereur romain germanique Henri VI concéda la souveraineté sur Monaco à la ville de Gênes, le début de l’histoire moderne de la principauté de Monaco commença en 1215 avec la construction d’une forteresse sur le Rocher. C’est en s’emparant de celle-ci, en 1297, que François Grimaldi créa le lien entre Monaco et la dynastie qui porte son nom. Les siècles suivants ont vu se succéder une multitude d’alliances et de traités. En 1427, Jean Ier de Grimaldi, seigneur de Monaco, confronté à une grande instabilité politique, est conduit à inféoder Menton et Roquebrune au comté de Savoie ainsi qu’à vendre le Rocher au Dauphin de France. Après les violentes vicissitudes de la Révolution française et les aventures napoléoniennes, la Principauté fut alors mise sous protectorat du royaume de Sardaigne. 

Mais les rêves d’unification italienne du roi Victor-Emanuel II de Sardaigne le conduisirent à céder ces deux villes à la France de Napoléon III, en 1860. L’année suivante, sous le règne du prince Charles III, le traité franco-monégasque déclarait officiellement Monaco Principauté indépendante. Charles III eu l’idée de compenser le déficit économique dû à la perte de Menton et de Roquebrune par le développement d’un tourisme aristocratique lié aux bains de mer et aux jeux de hasard. Il concéda en 1856 le monopole de cette activité à la Société des bains de mer et du cercle des étrangers. L’exploitation en est cédée en 1863 au talentueux François Blanc, promoteur heureux d’un casino en Allemagne. Le cahier des charges impose à la SBM des services publics tels que la fourniture d’eau et de gaz, la construction de routes, l’organisation de transports terrestres et maritimes avec Nice et Menton, etc. 

C’est alors que fut créé le Carré d’Or, avec sa place centrale agrémentée de trois merveilles architecturales : le légendaire casino, conçu par Charles Garnier, le créateur de l’Opéra de Paris, la fantaisie mauresque du Café de Paris, et ce qui devait être un hôtel de luxe comme on n’en avait jamais vu, l’Hôtel de Paris.

hotel de paris© photo courtesy of Monte-Carlo SBM

La grande époque de l’Hôtel de Paris

Avec ses cent chambres, l’hôtel accueille dans ses premières saisons d’illustres personnages tels que le fils de la reine Victoria le prince de Galles (futur Edouard VII), Alexandre Dumas (l’auteur des Trois Mousquetaires), le prince Louis Napoléon (futur fondateur du second Empire) et le baron Haussmann, l’esprit brillant qui modifiera si radicalement le paysage urbain de Paris avec ses Grands Boulevards. 

Le théâtre du casino, conçu par Garnier, devint le siège de la Compagnie d’opéra de Monaco, avec la légendaire Sarah Bernhardt lors de la soirée d’ouverture, le 25 janvier 1879. L’hiver était la haute saison à Monaco, attirant les têtes couronnées et les nouveaux riches de toute l’Europe et d’ailleurs. L’Hôtel de Paris est le lieu où ce beau monde de l’époque se côtoie, complote, flirte, commère et fait des affaires. 

Les Rothschild et les Rockefeller, les Vanderbilt et les grandes dames vénitiennes... l’hôtel était un second foyer pour cette riche clientèle qui venait se faire dorloter sur les rives ensoleillées de la Méditerranée dans le luxe de Monaco. Le prince Charles III imagina alors consacrer un quartier de Monaco aux bains de mer et aux loisirs et lui donna son nom, Carlo. L’endroit étant surélevé, cela devint Monte-Carlo. La manne financière que représenta Monte-Carlo permit d’ouvrir la voie à la Principauté contemporaine, en permettant notamment de porter des projets de diversification économique.

Au tournant du siècle, la popularité de Monte-Carlo avait atteint un niveau tel que l’Hôtel de Paris avait besoin d’être agrandi. Soixante-dix chambres supplémentaires sont alors mises à disposition de la clientèle dans la nouvelle aile Rotunda, qui offre une vue magnifique sur la mer.

hotel de paris© photo courtesy of Monte-Carlo SBM

Puis les Ballets russes sont arrivés en ville. Après quatre années triomphales à Paris, le directeur artistique Serge Diaghilev installe sa compagnie à Monte-Carlo en 1911. Avec des légendes du ballet russe, dont l’emblématique Vaslav Nijinsky, l’approche radicalement nouvelle de la compagnie trouve un terrain fertile dans la Principauté. Jean Cocteau conçoit l’affiche du spectacle d’ouverture, et bientôt certains des artistes les plus passionnants et les plus novateurs du nouveau siècle travaillent en collaboration régulière : les compositeurs Debussy et Ravel, Satie et Poulenc, Respighi et Strauss, Prokofiev et Stravinsky… Pour les décors et les costumes, on pouvait s’attendre à voir des dessins de Braque et de De Chirico, de Picasso et de Matisse. Lorsqu’ils étaient en ville, ces créateurs de modernité tentaient leur chance au casino, dînaient avec les danseurs au Café de Paris et séjournaient, souvent pendant des semaines, à l’Hôtel de Paris. 

Monaco était devenu le lieu de résidence ou de villégiature des stars du cinéma, de l’aristocratie internationale et des people de prestige du monde entier.

hotel de parisCary Grant relaxing on the balcony of the Hotel de Paris, Monte-Carlo 1939 © DR

C’est alors que la Principauté vit naître une autre tradition : le Rallye de Monte-Carlo. Avec son regard tourné vers l’avenir, son penchant pour l’audace et l’expérimentation, son réseau de nouvelles routes construites pour la circulation des voitures de luxe, ses virages périlleux en épingle à cheveux sur les corniches sculptées dans la montagne, la Principauté était l’endroit idéal pour mettre à l’épreuve les derniers développements de la technologie automobile. 

Ce ne sont pas seulement les enthousiasmes de la haute société de la Belle Époque qui ont trouvé leur expression à l’Hôtel de Paris de Monte-Carlo, mais aussi les espoirs et les rêves d’une génération ambitieuse et optimiste de penseurs, d’écrivains, d’inventeurs et d’aventuriers. 

Monte-Carlo était née, mais chacun des souverains qui arriva après Charles III apporta à la Principauté un développement toujours plus qualitatif et élitiste.

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Since its origin by Prince Charles III’s royal decree in 1864, the Société des Bains de Mer company has been an integral part of the Principality’s history, playing host to European high society.

Francis Scott Fitzgerald once called Monte-Carlo the playground of the world, but he understood that this was no mere adult amusement park. There was something truly magical about the place, something particular between land and sea, between earth and sky.

“Once in the middle twenties,” he wrote, “I was driving along the High Corniche Road through the twilight with the whole French Riviera twinkling on the sea below. As far ahead as I could see was Monte-Carlo, when life was literally a dream.”

hotel de paris© photo courtesy of Monte-Carlo SBM

The visionary strategy of Charles III

The Holy Roman Emperor Henry VI may have granted sovereignty of Monaco to the city of Genova in 1191, but the modern history of the Principality of Monaco began in 1215 with the construction of a fortress on Le Rocher, a high promontory overlooking the bay. It was by taking this that, in 1297, François Grimaldi created the tie that still binds Monaco and the Grimaldi dynasty together. In 1427, Jean I Grimaldi, Lord of Monaco, faced with tremendous political upheaval, ceded the towns of Menton and Roquebrune in fief to the Count of Savoy and sold the Rocher to the Dauphin, the heir to the throne of France.

Following the violent vicissitudes of the French Revolution and the Napoleonic adventures, the principality became a protectorate to the Kingdom of Sardinia. But dreams of Italian unification, under the leadership of King Victor Emanuel II of Sardinia, led to the cession of the towns to Napoleon III’s Second Empire France in 1860.

The following year, under the reign of Prince Charles III, the Franco-Monegasque Treaty officially declared Monaco an independent principality.

Charles III determined to compensate for the loss of Menton and Roquebrune by developing aristocratic tourism based on sea- and sun-bathing and on games of chance. In 1856 he awarded monopoly rights to related commercial activity to the newly-established Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers. The directorship was given in 1863 to the talented François Blanc, who had been wonderfully successful with similar ventures in Germany. The S.B.M. then became responsible for managing a variety of public services, such as furnishing water and gas, road construction, the management of land and sea transport to and from Nice and Menton, etc. This is the time of the creation of the ‘Carré d’Or’, a central square defined by three architectural marvels, all built according to the most exacting standards of quality craftsmanship, style and taste: the fabled casino, designed by Charles Garnier, the creator of Paris’ magnificent opera house; the fanciful Moorish confection of the Café de Paris; and what was intended to be a luxury hotel the likes of which had never been seen, the Hotel de Paris.

The golden age of the Hotel de Paris

Opening with 100 rooms, the hotel’s early seasons hosted such illustrious personages as Queen Victoria’s son the Prince of Wales (the future Edward VII), Alexandre Dumas (the much-loved author of The Three Musketeers), Prince Louis-Napoleon (the future founder of France’s Second Empire), and Baron Haussmann, the brilliant mind who would so dramatically alter the urban landscape of Paris with his grands boulevards.

The Garnier-designed casino theatre became home to Monaco’s opera company, with the legendary Sarah Bernhardt performing on Opening Night, 25 January 1879. Winter was high season in Monaco, attracting crowned heads and nouveaux riches alike, from all over Europe and beyond. The grand public rooms of the Hotel de Paris were where they mixed and mingled, plotted and schemed, flirted, gossiped, and galavanted.

hotel de paris It was in 1879 that Sarah Bernhardt discovered Monaco, during the grand opening of the Opéra de Monte-Carlo, As an enduring tribute to her immense talent, the Salle Garnier is adorned with a sculpture made by her own hands, Le Chant. Sarah, it seems, was also a talented sculptor © photo courtesy of TeleMonaco

Rothschilds and Rockefellers, Vanderbilts and Venetian grand-dames… The hotel was home away from home for those who could afford to pamper themselves on the shores of the sunny Mediterranean and in the lap of luxury. Prince Charles III determined that this area of high plateau – previously known as Spélugues, meaning ‘caves’ – needed a new name, so it gave it his own: Monte-Carlo. The financial manna provided by the establishments of Monte-Carlo paved the way for today’s Principality, most notably by permitting an impressive diversification of the economy.

By the turn of the century, quality in both style and substance, delivered consistently and dependably, earned for Monte-Carlo in general, and the Hotel de Paris in particular, the reputation for unimpeachable taste and impeccable service. Monte-Carlo’s popularity had grown to such an extent that the hotel required an expansion. An additional 70 rooms were made available in the new Rotunda wing, with glorious seaside views and featuring expansive rooms with solid mahogany baths.

hotel de paris© photo courtesy of Monte-Carlo SBM

Then the Ballets Russes came to town. Following 4 triumphant years in Paris, in 1911 artistic director Serge Diaghilev installed his company in Monte-Carlo. Featuring legends of Russian ballet, including the iconic Vaslav Nijinsky, the company’s radically new approach found fertile soil in the principality.

Jean Cocteau designed the poster for the opening show, and soon some of the new century’s most exciting and innovative artists were working in regular collaboration: composers Debussy and Ravel, Satie and Poulenc, Respighi and Strauss, Prokofiev and Stravinsky.

For sets and costumes, one could expect to see designs by Braque and De Chirico, Picasso and Matisse. When in town, these makers of modernity played their hands and tried their luck at the Casino, dined with the dancers at the Café de Paris, and stayed, often for weeks at a time, at the Hotel de Paris.

The same year of the arrival of the Ballets Russes saw the birth of another Monte Carlo tradition: the Rally. With its forward-looking gaze, its penchant for the bold and the experimental, and its combination of new roads built for luxury car traffic and perilous hairpin twists and turns on the mountain-carved Corniches, the principality was the perfect place to put the latest developments in automobile technology to the test.

hotel de parisMonaco Grand Prix © photo courtesy of Monte-Carlo SBM

It was not just the enthusiasms of Belle Epoque high society that found expression in Monte-Carlo’s Hotel de Paris, but the hopes and dreams of an ambitious and optimistic generation of thinkers, writers, inventors and adventurers. 

Monte-Carlo had been brought to life. Now it was up to the succeeding sovereigns to bring their own touch, make their own contributions, and further develop this project of quality and refinement.

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